*BEEEP BEEEEP BEEEP* L’écran de Methos lui indiqua que la bataille qui s’était jouée ici n’était peut-être pas encore terminée. Il se trouvait exactement entre deux vaisseaux. L’un des deux était un des appareils humanoïdes les plus récents de la flotte. L’autre était un imposant vaisseau sombre arborant le pavillon noir. *BEEP BEEEEEP BEEP BEEEPEEE* « Qu’est-ce que c’est que ça encore ? L’humanoïde me tire dessus ? Je lui ai pourtant rien… Ah mince, quel idiot ! Evidemment, il ne peut pas me voir. » Effectivement, le Horseman Watcher était équipé des derniers gadgets technologiques des guetteurs. Sous le nom d’Abel Pierson – au bout de soixante-dix ans, Adam Pierson avait commencé à faire un peu tâche et était soudain décédé de manière opportune – Methos continuait à tenir ses propres chroniques chez les guetteurs, prenant ainsi la succession de son ‘ancêtre’. Et les guetteurs disposaient de technologies bien plus avancées que celles dont pouvaient rêver les humanoïdes. Ce bouclier d’invisibilité, par exemple, s’était révélé utile en de nombreuses occasions. Cette fois en l’occurrence n’en était pas une. Une torpille fonçait sur lui, et il n’avait plus le temps de manœuvrer pour l’éviter. ‘Bon, eh bien à gadget gadget et demi. C’est le moment de tester le bouclier à Corbomite que Dawson m’a procuré. » Pas Joe Dawson, évidemment, mais Georges Dawson. Un de ses descendants. Le bouclier en question était encore au stade expérimental, et était censé renvoyer à un agresseur tout tir qu’il enverrait. ******** « Albator, il nous tire dessus. Une torpille deltaphasique. » « J’ai vu, Alfred. Mais je ne peux plus faire grand chose. Tout ce que je peux tenter, c’est essayer de nous écarter, mais ça risque de ne pas nous servir à grand chose. Notre gouvernail est fortement endommagé, » répondit le pirate à l’œil bandé. « Tout ce que nous pouvons faire, alors, c’est prier, » dit Nausicaa, joignant les mains ******** Methos arma le bouclier moins de trois secondes avant que la torpille ne le heurte de plein fouet. ******** Zone contempla son tir destructeur, qui se rapprochait petit à petit de son ennemi juré. Encore quelques secondes, et … « Qu’est-ce que c’est que ça ? » s’exclama le savant. ******** « Vous avez vu ça ? La torpille a explosé. Comme ça. Dans le vide ! » Joe n’en croyait pas ses yeux. « Oui. C’est plus qu’étrange, » lui répondit le professeur, levant les yeux de son écran pour regarder au dehors. « Attendez, il se passe encore quelque chose ! » ******** Zone n’eut pas le temps d’écarter son vaisseau. Prévue pour venir à bout de l’Atlantis, la décharge renvoyée par le bouclier de Methos cloua sur place son vaisseau humanoïde, minuscule en comparaison du navire pirate. Il n’eut que le temps de se réfugier dans une capsule de sauvetage et de s’éloigner avant que son vaisseau n’explose en une gerbe incandescente. « Ça, tu me le payeras, Albator, » menaça t’il, une fois de plus. ******** « Je n’arrive pas à y croire, nous sommes sauvés ! » exulta Nausicaa « Oui, là, on a vraiment eu de la chance, » confirma le professeur. Les manifestations de joie de l’équipage furent interrompues par une voix féminine. « Capitaine, le radar détecte la présence d’un vaisseau non-identifié. Précisément à l’endroit où le tir humanoïde a ricoché. » « Mais oui, » confirma le corsaire. « On dirait bien un petit vaisseau. » « Mes capteurs opto-thermiques ne détectent aucun signe de vie à bord, » annonça Alfred. « Je crois que le vaisseau a été endommagé lors de l’impact, et que le pilote est mort sur le coup. » « Le pauvre. Il est mort en nous sauvant, » constata Nausicaa « On ne va pas l’abandonner comme ça, » décida Albator. « Sa mort nous a sauvés. Le moins que nous puissions faire est de lui offrir un enterrement digne de sa mort de héros. » « Mais capitaine, » s’écria Joe. « On ne peut pas rester ici plus longtemps, les humanoïdes connaissent certainement notre position. Et nous sommes désarmés ! » « Sache, mon garçon, que le capitaine Albator n’abandonne jamais quelqu’un qui l’a aidé, même si c’est un mort. » le sermonna Toshiro. « Mais avec les funérailles spatiales, on va renvoyer son corps dans l’espace ! Ca sert à rien ! » se lamenta t’il. Inutilement, car personne ne prêta attention à cette dernière remarque. L’Atlantis envoya un stellarpon vers le vaisseau inconnu. D’ordinaire, un simple rayon tracteur aurait fait l’affaire, mais ceux-ci avaient été endommagés pendant le combat. Les stellarpons étaient normalement destinés à monter à l’abordage de vaisseaux ennemis, mais habilement manœuvrés, ils pouvaient servir à ramener à bord des objets de taille raisonnables. Le vaisseau en question étant de taille relativement modeste, même pour un monoplace, il fut rapidement amené à bord de l’Atlantis. « Le Horseman Watcher, » commenta Albator. « Je n’ai jamais entendu un tel nom de vaisseau, » continua t’il alors que le docteur retirait le corps privé de vie du pilote et le posait sur la civière. « C’est bizarre qu’il soit dans un tel état, » s’étonna le docteur. « Il a été exposé au vide spatial. A des températures incroyablement basses. Et il n’a rien, pas une éraflure, pas un hématome. On a presque l’impression qu’il n’est qu’endormi. » Albator ne répondit pas. Il contemplait le corps athlétique qui reposait sous ses yeux, méditant le fait que cet homme, sans en être conscient, avait sauvé la vie de plus d’une centaine d’hommes de son équipage. Aurait-il jamais une occasion de rendre justice à cette victime innocente de la colère des humanoïdes ? Soudain, la poitrine du pilote inanimé se souleva brutalement. Avec un cri rauque, ses poumons se remplirent d’air et il ouvrit les yeux. « Je n’y comprends rien, » dit le docteur. « Je croyais que vous étiez mort ! » « Incroyable ! » s’exclama le professeur. ‘Methos, dans quelles embrouilles t’es-tu fourvoyé ?’ marmonna en lui-même le vieil Immortel. ‘Il va falloir trouver une explication potable. Et vite.’ « Mais comment est-ce possible ? » demanda Nausicaa « Heu… hé bien… c’est à dire que… » bafouilla Methos. « Mon père m’a toujours dit ‘Abel mon fils, si un jour tu dois te retrouver dans le vide spatial, ne retiens pas ta respiration, mais vide tes poumons au maximum.’ » « Mais c’est stupide, » dit Joe sans beaucoup de tact. « Vous risquiez d’être asphyxié ! » « Au contraire, » répondit Alfred. « C’est très rusé. S’il avait gardé les poumons pleins, la différence de pression l’aurait fait exploser. Vous pourrez remercier votre père, monsieur. » ‘Ouf, ils ont l’air d’avaler l’histoire.’ Methos commençait à respirer. Dans tous les sens du terme. « Et nous, nous pouvons vous remercier, monsieur… Abel ? » dit Albator. « Votre présence à cet endroit précis nous a été salutaire. » « Abel Pierson, » précisa Methos. « Ce fut un plaisir de vous sauver la vie. » Il examina l’homme qui venait de parler. Celui-ci était vêtu d’habits d’un autre âge. Le grand uniforme d’un capitaine corsaire du dix-septième siècle lui seyait plutôt bien, considérant le fait qu’il se tenait sur un navire spatial quelques siècles plus tard. Le bandeau sur l’œil allait tellement bien avec le costume que Methos se demanda s’il n’en avait pas simplement un peu rajouté. Mais en considérant la joue balafrée du capitaine, il se dit que ce bandeau n’était probablement pas qu’une simple décoration. L’ensemble était des plus élégants. « Est-ce que vous pensez pouvoir vous tenir debout, monsieur Pierson ? » demanda le docteur. « Je peux vous amener un fauteuil roulant si vous voulez. » « Ça ne sera pas nécessaire, » répondit Methos. « Je pense que je vais pouvoir y arriver. » Il commença à se relever. Suffisamment lentement pour laisser l’impression d’être encore affaibli Il y réussit si bien qu’il sursauta soudain et perdit l’équilibre. Il serait probablement tombé à terre si Albator n’avait pas bondi en avant et ne l’avait pas rattrapé à temps. « Merci, » dit simplement Methos. Les membres de l’équipage n’avaient probablement vu là que la faiblesse d’un homme fatigué par une épreuve quasi mortelle, mais lui était soudain préoccupé par un problème bien plus important à ses yeux. Le malaise qui l’avait fait tomber n’était pas dû à de la fatigue. Il s’agissait du signal que ressentaient tous les Immortels à proximités d’un des leurs. Cela signifiait donc qu’un autre Immortel se trouvait à bord de ce vaisseau, de l’Atlantis, et il était curieux de savoir qui. ******** Après quelques heures de sieste, Methos alla retrouver le capitaine dans la salle à manger de l’Atlantis. « Donc c’est vous le célèbre Albator ? Le pirate qui combat les humanoïdes ? » s’enquit Methos. Même pour un Immortel vieux de plus de cinq mille ans, rencontrer des légendes vivantes n’arrivait pas tous les jours. « Je préfère le terme corsaire, si vous le voulez bien. » répondit le capitaine. « Quant à combattre les humanoïdes, mon but premier est en fait de trouver une planète idéale. Mais si quelqu’un sur mon chemin est opprimé par les humanoïdes, je serai toujours là pour le défendre. Je pense que vous saisissez l’ampleur du symbole que l’Atlantis représente pour les humains, de ce symbole que vous avez sauvé aujourd’hui. Je ne sais pas si je pourrai jamais rembourser cette dette que j’ai maintenant envers vous… » « En fait, vous pouvez peut-être la rembourser très vite, » dit Methos après un moment de réflexion. « Voyez-vous, deux de mes amis ont été faits prisonniers par les humanoïdes il y a quelques jours. Je crois qu’ils sont détenus sur Ardros 4. Je comptais aller les libérer, mais maintenant, mon Horseman Watcher est plus ou moins hors d’état de le faire… » « Vos amis sont détenus chez les humanoïdes ? » demanda Albator. « Et sur Ardros 4 ? Qu’ont-ils fait pour être capturés et être transféré à un QG de Secteur ? » « Oh. C’est une longue histoire, » répondit l’Immortel. « Vous n’auriez pas une bière, d’abord ? Mais une Terrienne, ok ? » Une fois sa bière devant lui, Methos raconta tout à Albator. Enfin, presque tout. Comment Duncan, Richie et lui avaient eu vent du projet des humanoïdes de déplacer la population de toute une colonie. Comment les colons, ne voulant pas quitter leur planète s’étaient révoltés. Les humanoïdes avaient alors décidé d’utiliser une bombe atomique pour exterminer ces rebelles, et, pressés par le temps, les trois amis n’avaient eu qu’une seule possibilité d’action : détruire le dépôt où se trouvait cette bombe. A Daperta. « J’ai eu des échos de Daperta, » dit Albator. « Une opération admirable à mon avis. Vous avez réussi à anéantir un dépôt complet de munitions sans qu’aucun soldat humanoïde ne soit blessé. » « Mouais. Ça, c’était une idée de Duncan, » répondit Methos. « Il a un sens de la chevalerie un peu trop développé. Ça doit provenir de son éducation. Toujours est-il qu’il a décrété que les humanoïdes qui étaient sur place n’étaient pas responsables des fautes de leurs officiers, et qu’il fallait éviter au maximum de leur faire du mal. » « Ça a plutôt bien marché, non ? » demanda le corsaire, finissant sa bière. « A mon avis, c’est plutôt ça qui a perdu mes amis, » lui répondit Methos. « Un des vigiles nous avait vus. Duncan s’est contenté de l’assommer, mais à mon avis, il a du se réveiller plus tôt et donner l’alerte. S’il n’en avait tenu qu’à moi, il n’aurait pas été simplement assommé. » Methos se resservit une troisième bière. « En tout cas, j’ai de l’admiration pour la chevalerie de votre ami. Et j’ai l’impression que quoique vous puissiez dire, vous l’admirez vous aussi, » conclut Albator. « Votre opération a sauvé des milliers d’innocents, vous-même avez sauvé mon navire et son équipage. Ce serait faire insulte à ce sens de l’honneur que de l’abandonner. Vous pouvez compter sur notre présence à Ardros 4 d’ici quelques heures. » « Je ne peux rien dire d’autre que merci beaucoup. En mon nom, en celui de Duncan et en celui de Richie. Sinon, je commence à avoir passablement faim. Le dîner est servi à quelle heure ? » La sonnerie stridente d’un détecteur d’incendie répondit à sa question. Et, suivant presque immédiatement ce bruit, des flammes commencèrent à se faire voir à travers la porte de la cuisine. Au spectacle de ces flammes s’ajoutèrent des cris d’appel au secours venant de l’autre côté de ces flammes. Des gens étaient prisonniers de cet incendie. Sans hésiter, Methos et Albator s’enfoncèrent dans les flammes et traversèrent la cuisine. Ils trouvèrent de l’autre côté des flammes Joe, le jeune garçon qui faisait habituellement les repas. Avec lui était quelqu’un qui n’aurait pas du se trouver dans une cuisine : le professeur Toshiro. Ne cherchant pas à comprendre, Methos empoigna le jeune garçon, le mit à l’abri sous son imperméable, et repris le chemin vers la sortie, à travers les flammes. En même temps que lui, Albator fit de même avec le professeur qu’il mit à l’abri dans sa cape de corsaire. Les flammes étaient moins fortes sur le chemin du retour, car Nausicaa et le docteur étaient arrivés sur place et combattaient déjà le feu avec des extincteurs. Le docteur, voyant les brûlures sur le visage d’Albator, abandonna immédiatement son extincteur pour aller lui donner les premiers soins. Occupé à le panser, il ne remarqua pas le regard étonné de son capitaine. Albator dévisageait Methos dont le visage ne portait absolument aucune marque de brûlure, aussi légère soit-elle. ********